L'exploitation des ressources animales des premiers peuples de l'Arctique canadien (2500 B.C.-1400 A.D.) - Université Paris Nanterre Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2016

L'exploitation des ressources animales des premiers peuples de l'Arctique canadien (2500 B.C.-1400 A.D.)

Claire Houmard

Résumé

L’archéologie de l’Arctique canadien a fait une large place à certaines catégories d’objets, telles les têtes de harpon, mais n’a encore que peu exploité la grande richesse informative des objets en matières dures d’origine animale. L’étude typologique fine des collections paléoesquimaudes de sites de référence réalisée dans le cadre de ma thèse m’a permis de proposer une meilleure caractérisation chrono-culturelle des trois millénaires d’occupations couverts par le Paléoesquimau (env. 2500 BC-1400 AD). Pour l’Arctique de l’Est canadien, cette période est classiquement subdivisée en Prédorsétien et Dorsétien. Les pratiques techniques et économiques des Paléoesquimaux, premiers peuples maritimes de l’Arctique de l’Est canadien, ont été analysées à partir de l’étude de six sites localisés autour du golfe de Foxe, région clé pour l’archéologie arctique : cinq dans la région d’Igloolik (Kaleruserk, Lyon Hill, Kapuivik, Freuchen et Kaersut) et un dans le Nord du Nunavik dans le détroit d’Hudson (Tayara). Au total plus de 2 600 vestiges ont été étudiés. Des changements typologiques fréquents sont observés tout au long du Paléoesquimau ; ils s’opèrent néanmoins dans le respect des traditions antérieures et, de ce fait, témoignent d’une forte continuité culturelle. Contrairement aux outils de l’univers domestique qui montrent une plus grande stabilité, les armes de chasse semblent avoir fait l’objet d’une recherche constante d’améliorations techniques. La typologie met en évidence une forte continuité culturelle tout au long du Paléoesquimau. Lors de mon étude, j’ai mis en relation les choix effectués en termes de sélection de la matière première et l’évolution des stratégies de chasse. De manière générale, tout au long du Paléoesquimau, il n’y a pas de corrélation directe entre sélection des matières premières et disponibilité induite par la chasse. Pour une catégorie donnée d’objets, les choix effectués en termes de matière première varient peu au cours du temps, et ce, quel que soit le type de gibier chassé et ramené sur le site. En ce qui concerne la production des objets les plus volumineux, deux matériaux sont privilégiés, les défenses de morse et le bois de caribou. Pour ces objets de grand gabarit, l’emploi d’un matériau plutôt qu’un autre évolue au cours du temps : les défenses de morse sont privilégiées au début du Prédorsétien mais, rapidement, ce sont les bois de caribou qui les remplacent, et ce jusqu’à la fin du Dorsétien. Les pratiques techniques des Paléoesquimaux montrent quant à elles une forte stabilité au cours du temps. Les concepts et techniques employés varient peu. Seul le Dorsétien récent pourrait se démarquer : de légers changements dans les modes de fabrication des objets semblent avoir eu lieu, notamment pour les têtes de harpon. En revanche, la technologie des armes de chasse évolue, surtout au niveau des techniques d’emmanchement. Un fait marquant selon moi est l’apparition des têtes de harpon à logette partiellement fermée, très vraisemblablement détachables et basculantes une fois rentrées dans l’animal. Cette invention fait figure d’innovation technologique de grande ampleur dans la mesure où l’intervention du chasseur ne serait plus nécessaire pour le détachement de la tête, celle-ci étant désormais insérée dans une préhampe. En conséquence, les risques de fracture de la hampe se réduisent ; la préhampe, située entre la tête de harpon et la hampe, servirait de tampon et amortirait les chocs. La facilité de détachement acquise grâce à la logette partiellement fermée permettrait au chasseur de s’éloigner de sa proie tout en conservant intacte la hampe de son arme. Les stratégies de chasse seraient ainsi nettement améliorées, entraînant des changements significatifs en termes de subsistance. Cette innovation, contemporaine d’une intensification de l’exploitation du morse, a aussi dû avoir un impact socio-économique important et constituerait un événement majeur à l’origine des changements culturels apparus au même moment dans l’habitat et dans l’organisation sociale des groupes. Les chasses seraient désormais collectives, incitant les chasseurs à séjourner ensemble dans des habitations plus grandes, occupées sur de plus longues périodes.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-01538856 , version 1 (14-06-2017)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01538856 , version 1

Citer

Claire Houmard. L'exploitation des ressources animales des premiers peuples de l'Arctique canadien (2500 B.C.-1400 A.D.). Marchand; Grégor ; Dupont; Catherine. Seapeople : Archéologie des chasseurs-cueilleurs maritimes : de la fonction des habitats à l'organisation de l'espace littoral, Séance de la société préhistorique française, pp.267-287, 2016. ⟨hal-01538856⟩
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