Ecrire, se taire… Réflexion sur la doctrine française - Université Paris Nanterre Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Le Genre Humain Année : 1996

Ecrire, se taire… Réflexion sur la doctrine française

Résumé

Il est difficile d'évoquer le rôle de la doctrine sous Vichy sans que le propos soit immédiatement perçu comme polémique. Et cela, bien au-delà du cercle somme toute restreint de ceux qui pourraient ressentir cette évocation comme une mise en cause personnelle. Toute analyse critique de la production doctrinale de l'époque comme celle que j'avais tentée dans une précédente étude court le risque d'être interprétée comme une attaque contre les juristes en général et contre la corporation des professeurs de droit en particulier. Il ne s'agit pourtant pas, en se penchant sur ce qui s'est dit ou écrit dans les Facultés de Droit et les revues juridiques entre 1940 et 1944, d'adopter cinquante ans après la posture confortable du juge, encore moins de s'ériger en purificateur idéologique d'un passé que l'on n'a pas vécu au nom des évidences d'aujourd'hui. S'il l'on revient sur "ce passé qui ne veut pas passer", ce n'est pas seulement pour tenter d'éclairer une période obscure, dans tous les sens du mot, de notre histoire, mais aussi parce que ce retour fournit l'occasion et le moyen de s'interroger de façon plus générale sur le rôle et la responsabilité propres du juriste dans la société, sur les fonctions que remplit, éventuellement à l'insu de son auteur, voire à son corps défendant, le discours juridique. En gardant à l'esprit, comme le rappelait Alfred Grosser à l'occasion d'un colloque consacré à "Juger sous Vichy", que "l'étude du passé n'a guère de sens, lorsqu'il s'agit de comportements finalement appréciés en termes de morale, si elle ne se prolonge pas par une réflexion sur le présent". C'est dans cette perspective qu'il m'a paru utile de réexaminer, à la lumière des objections qu'elles ont pu susciter, les hypothèses avancées dans l'étude déjà évoquée. La première objection peut s'énoncer de la façon suivante : la mise en lumière des effets néfastes des commentaires doctrinaux qui se voulaient neutres et objectifs implique-t-elle que la seule alternative acceptable de la part des juristes face à la législation antisémite eût été soit de se taire, soit à l'inverse de prendre clairement parti ? Question qui renvoie à son tour à une autre, plus générale : que doivent faire les juristes confrontés à des lois qu'ils jugent non pas simplement critiquables mais moralement inacceptables ? La seconde objection, d'ordre plus théorique, peut également être énoncée sous forme de question : si effets néfastes il y eut, est-ce le positivisme et sa prétention à la neutralité qu’il faut incriminer, ou doit-on admettre à l'inverse, avec Michel Troper, que c’est l’incapacité de la doctrine à s’en tenir aux stricts préceptes d’une science du droit positive qui l’a perdue ? Je me propose donc, après avoir brièvement résumé les thèses énoncées précédemment et rappelé en quoi les commentaires doctrinaux de la législation antisémite ont contribué à banaliser cette législation et à légitimer l’antisémitisme, d’examiner ces différentes objections, en vérifiant si elles ne sont pas, à leur tour, réfutables.

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Droit
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hal-01671502 , version 1 (22-12-2017)

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Citer

Danièle Lochak. Ecrire, se taire… Réflexion sur la doctrine française. Le Genre Humain, 1996, Le droit antisémite de Vichy, 30-31, ⟨10.3917/lgh.030.0433⟩. ⟨hal-01671502⟩
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