Résumé : Cet article cherche à appliquer aux séries télévisées l’idée adornienne que la forme relève «du contenu sédimenté». On présuppose que la forme «interne» prise par la série (elle-même une forme) à un moment donné prime sur l’analyse des contenus d’une série particulière. L’article trace l’évolution de la série dite classique caractérisée par quelques personnages récurrents et une même situation statique, traduction formelle d’une société harmonieuse dans le fond, qui se protège contre une menace venue de l’extérieure ; dans une analyse des premières séries américaines écrite en 1954, Adorno épingle l’artificialité psychologique de la forme. À partir des années 1970, on voit l’émergence d’une forme bâtarde, la «série feuilletonnante», qui introduit des éléments d’instabilité dans la situation de base. La série feuilletonnante est la forme qui s’accommode le mieux à la passivité idéologique des protagonistes, et l’absence de projet social à défendre. La série actuelle, de plus en plus décentrée, se trouve condamnée à gérer l’extrême indétermination des personnages désormais multiples, où la relation de l’individu à la totalité n’opère plus.