, de ses lecteurs sur une coutume qui consiste à se débarrasser d'un animal impur, sacrilège ou gênant ? Je voudrais suggérer que cette anecdote pouvait évoquer, au lecteur élisabéthain, la pratique du bear-baiting, ce divertissement très en vogue qui était l'occasion de voir (et d'entendre) des chiens se faire tailler en morceaux par un ours accroché par une chaîne à un poteau 42. L'image n'est pas anecdotique : le bear-baiting sert de métaphore à ce qui se passe sur scène. Comme dans une guerre civile, aucun parti, ours ou chien, ne sort indemne de la guerre. Il serait inutile de chercher à identifier un parti à l'ours ou aux chiens : ce qui compte, c'est l'image d'une lutte inégale, mais nécessairement sanguinaire, opposant le plus fort au plus grand nombre, Shakespeare exploite l'image du bearbaiting de façon explicite pour dénoter, me semble-t-il, les excès sanguinaires auxquels conduisent les guerres civiles. Ainsi, Octavius

O. C. Daniell, , p.86

O. C. Plutarque, , p.35

, Comme le note Caroline Spurgeon : « the dog, licking, candy, melting group, [are] called up inevitably by the thought of false friends or flatterers 43 ». Mais il y a plus que l'idée de flatterie. Si l'on s'en tient aux références aux chiens (« dogs »), les exemples sont révélateurs du lien entre bearbaiting et divination. Lorsque Marc Antoine s'exclame, devant le cadavre de César : « Cry havoc and let slip the dogs of war » (III.i.273), il invoque là peut-être les chiens de Mars 44 , dieu tutélaire de la guerre, et pas seulement « the hounds of famine, sword and fire » comme l'ont glosé les éditeurs de Shakespeare 45, Les ours succombaient plus rarement à leurs blessures que les chiens, plus facilement remplaçables. La pratique ne fut abolie qu'au XIX e siècle, en 1835, à la faveur des lois protégeant les animaux. Même les Puritains, qui avaient réussi à interdire le théâtre au XVII e siècle, n'avaient pu interdire le bear-baiting, tant la pratique était populaire. chiens, ours, baiting ou baying

, Ce qui m'intéresse surtout, c'est l'expression, dans ce contexte, de « the tide of times » qui prend ici un double sens : à la fois métaphore maritime (tide) et expression de l'avenir (tidings), un double sens redoublé par des superlatifs (« the noblest [?] that ever lived »), des allitérations et des assonances 46. À ces effets rhétoriques s'ajoutent les images apocalyptiques de guerre civile avec Até aux côtés de César (« Ate by his side ») dans la bouche d'un Marc Antoine les bras couverts de sang. C'est là l'exemple sans doute le plus abouti d'excès dans la pièce

C. F. Spurgeon, Shakespeare's Imagery and What It Tells Us, p.195, 1935.

L. Dieu-grec,

D. Daniell-se-réfère-À-henry, V. , and P. , , pp.7-8

. («-tide, times ») et [v] (« ever lived

, excès est celui d'une prophétie figurant des scènes d'une grande violence, dans une mise en scène dramatique (le cadavre de César encore fumant est à ses pieds), dans une langue truffée de figures de rhétorique de répétition. « This is a savage spectacle

, La deuxième occurrence de « dog » se trouve dans une scène où Brutus et Cassius se querellent. Ici aussi, il est question de prophétie, cette fois-ci évoquée a posteriori dans un chiasme : BRUTUS. Remember March, the ides of March remember, I had rather be a dog and bay the moon Than such a Roman

C. Brutus, You forget yourself To hedge me in. I am a soldier

, et se clôt avec l'affirmation par Cassius de ses qualités de soldat, c'est-à-dire ses qualités martiales, qui contraste avec la comparaison canine de Brutus et la référence au bear-baiting. De même, on peut opposer le souvenir (« Remember [?] remember ») dont il est question tout au long de Julius Caesar, à l'oubli de soi (« forget yourself »), ici de Brutus, ailleurs de César ou de Cassius. Je citerai enfin la réplique d'Antoine qui associe à nouveau les chiens