En quoi le travail échappe-t-il aux théories de la justice ?, How Does Work Escape Theories of Justice~?
Résumé
Si l'on s'interroge sur les normes de la critique sociale qui permettent de rendre compte des enjeux politiques du travail, la question de la justice et de l'injustice vient spontanément à l'esprit. Il est en effet indiscutable que c'est notamment en terme d'injustice que les salariés cherchent à rendre compte des problèmes qu'ils rencontrent au travail, et que c'est en terme de justice qu'ils cherchent à définir des manières de travailler qui seraient plus satisfaisantes. Cependant, la thèse selon laquelle les modalités de l'organisation du travail doivent être déterminées en référence à l'efficacité plutôt qu'à la justice a été défendue de différentes manières. Et parmi ceux qui ont cherché au contraire à définir les formes pertinentes de critique sociale du travail en terme de justice, nombreux ont considéré qu'il suffisait d'appliquer des principes de justice généraux, sans s'engager dans une analyse des formes spécifiques dans lesquelles la question de la justice se pose sur les lieux de travail. L'objectif de cet article est de soumettre ces deux positions à un examen critique et de défendre un modèle de critique immanente du travail fondé sur des attentes de justice qui sont propres à l'expérience du travail., It seems quite natural to think of the political implications of work in terms of justice and injustice, since it is simply a fact that waged workers often articulate what they experience as problematic in their working experience in terms of injustice. It is also a fact that they often think of the ways in which their working experience could be made more satisfactory in terms of justice. Nevertheless, some philosophers have contended that the work related institutions should be organized with regard to efficiency rather than justice. On the other hand, most of the philosophers who have tried to elaborate a social critique of work in terms of justice have considered that they job was only to apply general principles of justice, rather than to try and analyze the ways in which justice is at stake in the working experience. The purpose of this article is to elaborate a critical examination of these two philosophical positions, and to advocate for a model of immanent critique of work that is grounded in justice expectations that are particular to the working experience., Si se cuestiona las normas de la cr\'itica social que permiten la observación sobre lo que está en juego pol\'iticamente del punto de vista del trabajo, la cuestión de la justicia y de la injusticia esta puesta en evidencia. Es hecho indiscutible de que es sobre todo en términos de injusticia que los empleados tratan de darse cuenta de los problemas a los cuales ellos se enfrentan en el trabajo, y que es en términos de justicia que tratan de definir las formas de trabajar que ser\'ian más satisfactorias. Sin embargo, el argumento de que los términos de la organización del trabajo deben determinarse en función de la eficiencia y no de la justicia se ha defendido de diferentes maneras. Y entre los que han buscado definir las formas de cr\'itica social del trabajo pertinentes en términos de justicia, muchos han pensado que era suficiente aplicar los principios generales de la justicia, sin entrar en un análisis de las formas espec\'ificas en las que la cuestión de la justicia surge en el lugar del trabajo. El objetivo de este art\'iculo es llevar a estas dos posiciones a un examen cr\'itico y defender un modelo de cr\'itica inmanente del trabajo fundado sobre las expectativas de justicia que son exclusivas de la experiencia del trabajo.