, L'expérience de l'ici et de l'ailleurs, éprouvée par exemple à travers cette forme fondamentale de la géographie intime que constitue la nostalgie, l'inéluctable temporalité de l'appréhension de l'espace, sont oblitérées par la simultanéité inhumaine construite par la carte et le discours géographique conventionnel. Le géographe, cependant, ne peut se substituer à l'artiste et lui-même produire une oeuvre d'art. En serait-il capable qu'il sortirait de sa fonction de chercheur et d'enseignant. Louis Poirier le géographe et Julien Gracq l'écrivain parlent deux langages distincts. Il s'agit donc de trouver comment dialoguer avec l'art et la littérature dans le cadre de la géographie académique. Et c'est sur ce point qu'il nous semble utile de conclure : dans un univers académique de plus en plus dominé par l'obsession du quantifiable (nombre de signes, de publications, de projets de recherche soumis, d'entretiens, d'heures d'enseignement ou de « décharge » d'enseignement...), parfois jusqu'au fétichisme, une géographie qui fait de l'oeuvre d'art son terrain et son outil, et de l'expérience vécue de l'espace son objet, est aussi une manière de résistance qui nous semble salutaire autant que nécessaire. Il s'agit bien de reconnaître l'importance du non mesurable, « le pouvoir de l'imagination » (Appadurai, 1996), l'importance du subjectif et des émotions (Guinard et Tratnjek, 2016), l'importance ainsi de l'expérience qui est bien « au coeur » de nos vies dans l'espace. La subjectivité, l'imagination, sont aussi essentielles à l'intelligence du monde que le chiffrage et la mesure. La question dépasse très largement les seuls débats internes à la géographie car, à tous les niveaux, à toutes les échelles, les imaginaires construisent notre réalité et les pratiques sociales qui en découlent. C'est pourquoi

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